samedi 12 février 2011

Entre régionalisation et régionalisme

« L'évolution générale porte, en effet, notre pays vers un équilibre nouveau. L'effort multiséculaire de centralisation, qui fut longtemps nécessaire pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui étaient successivement rattachées, ne s'impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de la puissance économique de demain ». Ainsi, Charles de Gaulle s'exprimait-il lors de son célèbre discours du 24 mars 1968 à Lyon. Mais, en réalité, quand est-il ?

L'administration se définit comme la gestion de l'espace et des activités qui y sont implantées, par des organismes privés, ou plus généralement publics : services publics. La compétence spatiale de chaque administration est incluse dans des limites territoriales. Celles-ci peuvent être d'ordre général, concernant l'ensemble des administrations. La France se caractérise par une structure administrative qui lui est propre. En effet, cinq échelons d'organisation territoriale se superposent. En premier, est l'état. Celui-ci est une personne morale de droit public détenant le pouvoir décisionnel (principalement l'exécutif, et le législatif). Viennent par la suite les régions. Cet échelon est le plus jeune. La région peut être présentée comme la circonscription-échelon territorial de la mise en œuvre des politiques nationales et communautaires en matière économique et sociale et d'aménagement du territoire, de l'animation et de la coordination des politiques de l'état relatives à la culture, à l'environnement de la ville et à l'espace rural de la coordination des actions de toute nature intéressant plusieurs départements de la région (Décret de 1992). Il a été créé par la loi de décentralisation de 1982 dans le souci de joindre plus facilement les administrés et d'être le point de relais de l'organisation administrative française. Il y a 22 régions en métropole et 4 en outre-mer. Puis suivent les départements. Ces derniers ont été crées par la loi du 28 pluviôse an VIII par ordre de Napoléon I. A sa création, les départements sont des circonscriptions administratives de droit commun. Le département reste, de nos jours, la circonscription territoriale majeure de notre système, mais c'est aussi depuis les origines une collectivité territoriale avec une assemblée élue, le conseil général. Ils sont au nombre de 101 (avec Mayotte s'inscrivant dans la modernisation des territoires français d'Outre-Mer). Enfin, les communes représentent le dernier d'échelon. Vient s'insérer dans cette vaste organisation le système de l'inter-communalité (regroupement de plusieurs communes en une seule de plus fort poids économique et politique) et ce au niveau de la région. Ce phénomène permet de doter une commune d'un poids politique, mais aussi facilite l'existence d'un véritable point d'accès au système administratif par chaque citoyen-administré.

L'ajout successif de couches administratives (le département, la région), sans supprimer, au préalable, la couche précédente, ou réfléchir aux conséquences de ces dits ajouts, a eu des conséquences désastreuses. Plus on crée d'échelon, plus on éloigne l'administré lambda des décisions prises par le pouvoir central. Nous sommes encore dans le schéma décrit par Odilon Barrot à propos de la déconcentration « c'est le même marteau qui frappe, mais on en a raccourci le manche ». Les supposées lenteurs des administrations ne sont pas toutes fondées (administration kafkaïenne, décrite par Courteline ou Balzac). En interne, celles-ci fonctionnent. Lorsqu'on passe au niveau du contentieux, les administrations trainent et ne répondent pas aux attentes de chaque usagé du service public. La région s'ajoute à l'ensemble administratif, défaut de la centralisation. Le fonctionnaire n'est plus la bouche de l'état. Il se plie à la circonscription départementale que représente Paris. L'épuisement administratif dans les départements et dans les communes (éloignées politiquement des décisions prises par le pouvoir central) ont favorisé l'existence d'un « départementalisme » et d'un protectionnisme communal. Ce dernier a favorisé le désintéressement pour l'Europe des différents administrés. En rapprochant le législateur et les administrés, la régionalisation devrait réduire les « lenteurs administratives », atténuer les écrans qui, d'échelon en échelon, s'interposent entre l'action et les décideurs et créent de par ce fait une altération des faits. La thèse du régionalisme est la suivante. Le centralisme paralyse le système économique ou du moins n'aboutit pas à des circonscriptions de moindre statut comme les communes. Le département apparaît comme une séparation entre l'état et les communes. La multiplicité de ces dernières provoque une sclérose fonctionnelle. Aussi, l'échelon territorial départemental doit-il voir sa structure démantelée progressivement ? Est-ce là l'application d'une déroute organisationnelle française ? Enfin, faut-il revenir à une organisation tournée vers les pays ? Il est nécessaire de comprendre la région en tant que circonscription [I] et son probable avenir [II] comme assisse centrale politique.

Bibliographie indicative

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