dimanche 27 février 2011

Les courants précurseurs : la naissance de l'économie politique


SECTION I : LE MERCANTILISME (milieu XV ème-milieu XVIII ème siècle)

La pensée économique qui se développe à cette époque va être très favorable à l'activité commerciale parce-que cette activité commerciale doit permettre au prince, au roi de renforcer son pouvoir. Le mercantilisme correspond à un ensemble de recommandations pratiques (données au souverain, au prince) ayant pour but d’enrichir l'État = COURANT PRAGMATIQUE.

Naissance de différentes écoles surtout en Europe qui ont des points communs même s'il y a quelques divergences.

I. Les principes de base du mercantilisme

A) Le commerce est source d’enrichissement

1°) Assimilation de la richesse à la détention de métaux précieux

Celui qui est riche est celui qui dispose beaucoup de métaux précieux. Un État ne peut s’enrichir que s’il accumule des métaux précieux (MONNAIE de l’époque).
La monnaie est une fin en soi (non pas un moyen d’obtenir des marchandises). C'est l'objectif ultime : accumuler le plus possible de monnaie.

2°) L'enrichissement d'une Nation par une balance commerciale excédentaire

  • La balance commerciale d'un pays correspond à la différence entre la valeur des exportations et la valeur des importations : BC = X – M.

La balance commerciale d'un pays peut être :
- négative : déficit de la balance commerciale. Ce pays importe plus qu'il n'exporte.
- positive : excédentaire. Ce pays exporte plus qu'il n'importe.
- équilibrée (extrêmement rare) : le solde est nul. La valeur des exportations est exactement égale à la valeur des importations.

  • Les importations vont être payées à l'aide de monnaie. Ces importations vont donc se traduire par une sortie de monnaie du pays.
A cette époque : importations = perte de métaux précieux et exportations = rentrée de métaux précieux.
Inversement, chaque exportation va être payée par un agent économique de l'étranger : versement de pièces d'or provenant de l'étranger = entrée de métaux précieux dans le pays.

  • Pour s'enrichir, il faut accumuler le plus possible de métaux précieux, c'est-à-dire augmenter le stock de métaux précieux. Pour que le stock d'or augmente, il faut que la quantité d'or qui entre dans le pays soit supérieure à la quantité d'or qui sort du pays -> les exportations doivent être supérieures aux importations. Si c'est l'inverse, le stock d'or va chuter.

=> Un pays ne peut s’enrichir que s’il a une balance commerciale excédentaire (quand la valeur des exportations est supérieure à la valeur des importations).

Deux remarques ici :
  • En cas de balance commerciale déficitaire, le pays va s'appauvrir.
  • Pour augmenter le stock d'or, il pourrait y avoir d'autres méthodes que l'exportation : le vol.

3°) L’enrichissement de la nation nécessitant le développement du commerce international

Le développement du commerce international va permettre d’accumuler des métaux précieux.

  • Pour augmenter la richesse, il va falloir orienter le commerce : Il va falloir cherche à exporter le plus possible. Le parallèle va être de limiter les importations.
Mais pour pouvoir développer ces exportations, il va en découler la nécessité de développer l'artisanat (secteur industriel aujourd'hui) parce-qu'il faut avoir un surplus de production disponible pour la vente à l'étranger.

  • Désormais, la classe sociale des « grands marchands » va être favorisée parce-que plus leur activité se développe, plus ils s'enrichissent, plus ce sera facile pour le prince de prélever l'impôt. Ici, l'intérêt du souverain et l'intérêt des commerçants se rejoignent. Ici, par le biais de la fiscalité on va pouvoir s'assurer un revenu.
  • Pour les mercantilistes, le commerce international est considéré comme un « jeu à somme nulle » = c'est un jeu dans lequel ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres (dans ceux qui participent). En d'autres termes, il ne peut y avoir des gagnants que parce-qu'il y a des perdants.
Au niveau logique, il pourrait exister :
  • Un jeu à somme positive = jeu dans lequel tous les participants vont gagner
  • Un jeu à somme négative = jeu dans lequel il ne va y avoir que des perdants.
Pour les mercantilistes, un pays ne peut s'enrichir qu'aux dépends d'un autre. L'enrichissement des uns passe par l'appauvrissement des autres puisque les exportations des uns sont les importations des autres.
Pour un mercantiliste, le commerce c'est la guerre.

Point important ce comparaison : cette conception va être complètement critiquée par les classiques à la période classique. Parmi ces classiques : ADAM SMITH et DAVID RICARDO vont, eux, expliquer, démontrer que le commerce international est un « jeu à somme positive », c'est-à-dire que tous les participants aux échanges peuvent gagner, peuvent s'enrichir. A partir de là, il vont préconiser le libre-échange (liberté d'importer, d'exporter). Pour eux, les échanges permettent un bien collectif, permettent d'augmenter la taille du gâteau à se répartir. Alors que pour les mercantilistes, la taille du gâteau est constante et donc les échanges n'ont pas d'impact sur la taille du gâteau à se répartir.

B) L'obligation de l'interventionnisme étatique dans l’économie du pays

Les mercantilistes sont des interventionnistes. Ce ne sont pas des économistes libéraux.

Étant donné que pour un mercantiliste il y a un contexte de guerre commerciale, le prince a l'obligation d'intervenir de façon à tout faire afin d'accumuler des métaux précieux et d'obtenir un excédent commercial.

L'État doit intervenir directement dans l’organisation de la vie économique = les mercantilistes sont interventionnistes. L'État doit mettre en place des politiques réglementaires très fortes pour protéger les agents économiques du pays de la concurrence extérieure. Ces règlements sont appelés des « mesures protectionnistes » visant à réduire les importations. Comment mettre en place ce protectionnisme ?
  • Il va s'agir de politiques douanières protectionnistes (quotas, droits de douanes).
Droit de douane : L'État va intervenir en mettant en place des taxes sur les produites importés, ce qui va entraîner une augmentation artificielle du prix du produit importé. De cette façon on espère que cette augmentation va entraîner une diminution de la consommation des produits extérieurs pour que la population consomme le produit intérieur. Et donc le niveau des importations diminue.
Quotas : restrictions quantitatives. Chaque année, il n'y a pas plus de produits d'un type donné qui rentre dans le pays.
  • Règlements pour stimuler l’activité exportatrice (aides, subventions à l'exportation).
Pour pouvoir exporter plus facilement, il faut avoir le plus de produits compétitifs possible (Compétitivité en terme de prix et/ou de qualité). Si on veut réussir à exporter plus, il faut faire en sorte que nos produits soient proposés à l'étranger à un prix faible. Mais le problème ici c'est qu'on ne peut pas vendre à n'importe quel prix puisque le prix de vente doit être supérieur au coût de production si l'on veut obtenir un profit. Vendre à un prix inférieur à son coût de production ça s'appelle du « dumping ».

L'Etat doit donc intervenir dans l'économie en limitant les importations et en augmentant les exportations.
Ainsi, les mercantilistes ne sont pas favorables au libre-échange (=le fait de pouvoir échanger librement ; le fait de pouvoir importer et exporter librement, sans qu'il y ait de droits de douanes,...). Ce sont fondamentalement des protectionnistes qui vont chercher à restreindre les importations.

II. Les différents types de mercantilisme

A) Le mercantilisme espagnol ou bullionisme ibère

Le mercantilisme espagnol était un mercantilisme très protectionniste. Au milieu XVI ème siècle en Espagne, on est dans une période d'essoufflement puisque l'Espagne a pu bénéficier dans la première partie de ce siècle de l'afflux massif de métaux précieux venant d'Amérique (or et argent). L'Espagne s'enrichissait.
Les mercantilistes espagnols craignent un déclin économique malgré cet afflux de métaux précieux parce-que l'Espagne souffre d'un handicap important : son artisanat est très peu développé. En conséquence, la monnaie afflue en Espagne mais comme la production locale est trop faible, les importations de produits artisanaux ne cessent d'augmenter pour répondre aux besoins de la population. L'or entre dans le pays mais comme on importe facilement, il ressort immédiatement. Donc ils craignent une sortie de ces métaux précieux et qu'au final l'Espagne s'appauvrisse. L'or arrive facilement en Espagne, le problème c'est de le conserver. Les mercantilistes espagnols vont proposer un fort protectionnisme pour conserver l’or dans le pays. Ils vont interdire l’importation de certains produits dans le pays pour inciter les espagnols à construire ces produits eux-mêmes.

B) Le mercantilisme britannique

A la différence des espagnols, leur slogan aurait été : « Attirons les métaux précieux par la maîtrise du commerce maritime ».
Il va falloir arriver à un excédent de la balance commerciale.

La GB va chercher à bénéficier de son insularité, c'est-à-dire du fait qu'il est plus facile à cette époque de contrôler les arrivées de marchandises dans le pays. Ils vont essayer de réussir à exporter plus qu'ils n'importent en utilisant leur flotte maritime. Ils vont aller vendre des marchandises à l'étranger en essayant d'obtenir des exportations supérieures aux importations.
Dès 1651, avec l'acte de navigation de Cromwell, ils vont développer un monopole pour le transport maritime. Ils réservent aux navires anglais le monopole des importations extérieures : importations des navires étrangers interdites quand les marchandises ne proviennent pas du pays du navire. Ils parviennent ainsi à un excédent commercial. C'est pour cette raison qu'il ne sera pas nécessaire de mettre en place des mesures protectionnistes, grâce au monopole qui fonctionne bien.
Ils seront souvent qualifiés comme les plus libéraux des mercantilistes européens.

C) Le mercantilisme français ou colbertisme

Par comparaison, le mercantilisme français peut être qualifié de mercantilisme « industrialiste ». Quel serait le slogan ? « Cherchons à attirer l'or par le développement de notre industrie (le développement des manufactures, les manufactures étant les premières formes d'industries) ».

Le mercantilisme français on le doit à un homme en particulier : Antoine de Montchrestien propose les principales analyses mais c’est Colbert qui les met en œuvre systématiquement sous Louis XIV. Pendant près de vingt ans il va avoir un impact très fort en mettant en œuvre de façon systématique le mercantilisme français.

Le « colbertisme » (=le mercantilisme version française) va influencer la structure industrielle du pays.
Pour élaborer sa stratégie, il va commencer par étudier le contexte français, la situation pour essayer d'en tirer le meilleur partie. A l'époque, la France ne dispose pas de suffisamment de mines de métaux précieux pour pouvoir assurer une richesse « facile ». A partir de là, une seule possibilité : c'est l'obtention d'un excédent de la balance commerciale.
Pour y arriver, pour faire entrer l’or et obtenir cet excédent commercial, Colbert utilise les deux principaux atouts du pays :
  • pays le plus peuplé d’Europe à cette époque, main d’œuvre abondante donc bon marché = coûts de production faibles = prix compétitifs
  • production agricole élevée = faible prix des matières 1ères et de la nourriture.
Colbert va tirer profit de ces avantages pour favoriser le développement industriel de la France.

La politique menée par Colbert peut être présenté sous la forme de la politique commerciale et sous la forme de la politique industrielle.

1°) La politique commerciale

  1. Une politique douanière protectionniste

Augmentation progressive des droits de douane sur la production importée. On taxe les produits étrangers. C'est une stratégie risquée car les autres pays risquent de faire la même chose : freiner les exportations.
A partir de là, le risque de cette politique douanière c'est qu'elle dégénère en véritable conflit armé entre les pays. Colbert le fait de façon progressive pour que ce soit moins évident.
Ce type de politique peut cependant fonctionner : cela a relativement bien fonctionné en Angleterre. Mais vis-à-vis de la Hollande ça a été une catastrophe puisque cela va déclencher un conflit et que Colbert sera même obligé de renoncer à ses tarifs douaniers mis en place vis-à-vis de la Hollande et va même être obliger d'admettre la liberté d'échange entre ces deux pays.

Pour compléter cette première forme d'intervention qui ne marche pas toujours très bien...

  1. La création des compagnies commerciales

OBJECTIF = CONQUERIR DES PARTS DE MARCHE AU NIVEAU MONDIAL. Naissance d’entreprises spécialisées dans le commerce international. Les entreprises vont être chargées de vendre nos produits à l'étranger.
Colbert va donc fonder dans chaque branche une compagnie en leur procurant des capitaux, un personnel de direction compétent, mais aussi en  mettant en place des règlements pour surveiller étroitement leurs activités. Par ceci même, il s'agit d'une stratégie commerciale.

Néanmoins, les résultats sont assez mitigés. En effet,
  • certaines compagnies font faillite assez rapidement et ne résistent pas à la guerre contre la Hollande
  • celles qui subsistent se développent au siècle suivant en jouant un rôle essentiel (Compagnie des Indes orientales).
  1. L’exploitation des colonies

Les colonies françaises étaient considérées comme :
  • une source de débouchés facile pour vendre nos exportations de produits manufacturés
  • une source d’approvisionnement en matières premières à bon marché.

Pour cela, Colbert cherche à stimuler la croissance démographique (=développer la population dans les colonies) dans les colonies pour augmenter la main d’œuvre à bon marché et donc avoir des prix plus concurrentiels.
Mise en place de différentes lois pour inciter à la croissance démographique :
  • versements de pension pour les familles nombreuses
  • incitations financières pour le mariage précoce
Pourquoi faire en sorte d'accroître la population dans les colonies ?
Cette stratégie peut permettre à la France d'augmenter ses exportations puisque, comme il y a plus de population, ces gens vont avoir des besoins et donc augmentation de la production et exportations.
De cette façon, on peut obtenir une main-d'œuvre abondante donc à bon marché. Ce qui permet aux colonies de produire des matières premières à faible coût et donc un prix de vente pour ces produits restreint.

Colbert cherche aussi à se réserver le commerce colonial, c'est-à-dire qu'il va mettre en place des règlements pour interdire aux navires étrangers d'accoster ou de commercer avec des colonies. Il y a un système d'exclusivité accordé aux navires de la métropole.

  1. Le développement de la puissance maritime française
La flotte française est trop faible avec trop peu de bateaux = Colbert cherche à la développer :
  • en achetant les bateaux à l’étranger dans un 1er temps, pour pouvoir commercer
  • Mais comme les importations sont coûteuses, dans un second temps il va falloir fabriquer des bateaux en France (copies des bateaux importés) -> développement de la flotte navale sur place
  • Pour que le système fonctionne, il faut ensuite, dans un 3ème temps, entamer des grands travaux portuaires : politique d’aménagement portuaire (construction de nouveaux ports et agrandissement des ports existants pour abriter cette flotte grandissante)
  • Dernière étape, pour que les bateaux puissent fonctionner : recrutement de troupes de mer (achat d’esclaves et peine de mort transformées en peine de galère).

2°) La politique industrielle

Deux avantages au développement de l’industrie :
  • cela permet d'augmenter les exportations pour créer un surplus
  • Parallèlement, le deuxième avantage : cela permet de réduire les importations jusqu’à les éviter en produisant soi-même les produits manufacturés.

Colbert va donc se lancer dans le développement des manufactures françaises...

  1. Une stimulation dans la création de manufactures

Intervention essentielle par le biais de financements. Cela va permettre de créer ces manufactures.
Deux formes d'intervention :
  • soit l'État, le roi fournit l’intégralité des capitaux nécessaires et les manufactures seront propriétés du roi
  • Deuxième possibilité qui, en réalité, a été la plus fréquente : soit l'État aide à la création de manufactures en accordant des prêts, des subventions ou en achetant des actions de l’entreprise.

  1. La protection des manufactures de la concurrence étrangère : la politique réglementaire stricte

Protection pour pérenniser l’activité face à la concurrence internationale, être compétitif. Plus, tard, il ne sera plus nécessaire d'intervenir quand l'entreprise sera vraiment compétitive.
Colbert considère que la compétitivité se gagne par la qualité et évidemment la qualité au coût le plus faible possible.

A partir de là, pour faire en sorte que les entreprises soient compétitives, mise en place d’une politique réglementaire stricte :
  • En imposant à ces manufactures des procédés de fabrication de façon à ce que la production soit de bonne qualité
  • Il met en place de façon parallèle un contrôle : le non-respect des règlementations fait place à des sanctions, des pénalités financières (amendes) mais même aussi parfois la confiscation de la production
  • Colbert va octroyer des monopoles à ces manufactures, cela veut dire qu'il va, une fois que la manufacture est montée, cette manufacture sera la seule à pouvoir produire tel type de biens donc elle va être protégée de la concurrence au niveau local !
  • Colbert va se fixer sur les manufactures de luxe : production haut de gamme.
  • En terme de conditions de travail de la main-d'œuvre : Colbert va mettre en place une politique réglementaire en matière de conditions de travail dans les manufactures.
Quelle est l'idée ici ? Il faut comprendre qu'avant l'apparition des manufactures, il n'y avait pas de local déterminé. Les ouvriers travaillaient chez eux. Donc avant les ouvriers travaillaient pour différents employeurs pour pouvoir subvenir à leurs besoins : Colbert va mettre en place une réglementation pour interdire aux ouvriers de travailler pour plusieurs employeurs et une obligation d'assiduité.
Colbert va même aller jusqu'à interdire aux ouvriers les plus qualifier (ceux qui travaillent dans le luxe) d'aller travailler à l'étranger, sous peine de mort. Par contre, l'on faisait tout pour attirer en France les meilleurs ouvriers étrangers.

  1. La production agricole au service de l’industrie

SACRIFICE de l’agriculture pour permettre l’industrialisation
Colbert va établir une politique douanière agricole très spécifique parce-qu'elle paraît totalement illogique.

Il va ainsi limiter, voire même parfois interdire les exportations de produits agricoles (de matières premières) et va encourager les importations des produits agricoles pour :
  • renforcer l'abondance de matières premières et de produits agricoles qui étaient déjà élevés en France (beaucoup de ces produits là sont présents sur les marchés).
Cela permet d'espérer une baisse significative des prix des matières premières donc coûts de production de l’industrie vont diminuer.
  • prix de la nourriture faible permettant la diminution du salaire de survie.
Avantage : renforcer la compétitivité industrielle
Inconvénient : revenus des agriculteurs en baisse.

III) Les critiques faites aux mercantilistes

La politique conduite par Colbert a permis de rattraper le retard industriel de la France par rapport à l'Angleterre et c'est cette politique qui a permis de dessiner toute la carte industrielle de notre pays. Cette politique s'est traduite par un déclin de l'agriculture.
Ce mercantilisme en France est plutôt positif en France mais on peut tout de même noter que le mercantilisme pose différents problèmes et donne lieu à différentes critiques. De façon générale, 3 problèmes principaux :

  1. La politique mercantiliste impraticable si elle est généralisée

Un pays qui va adopter cette stratégie va chercher à exporter le plus possible et à limiter ses importations.

Mais le problème c'est que les importations des uns sont les exportations des autres, or la logique mercantiliste consiste en la baisse des importations.
Si tous les pays adoptent cette stratégie, aucun ne pourra s’enrichir car tous vont fermer leurs frontières = BLOCAGE total des échanges entre pays.
Le mercantilisme ne fonctionne que si des pays arrivent à imposer aux autres leurs exportations.
Le protectionnisme généralisé ne peut conduire qu’à des conflits entre les pays.

  1. Une politique potentiellement inflationniste

Inflation = augmentation du niveau général des prix dans le pays.

On va faire référence à la théorie quantitative de la monnaie : cette théorie nous dit que toute augmentation de la masse monétaire d'un pays qui n'est pas accompagnée d'une augmentation parallèle (ou au même rythme de la production) entraîne une augmentation proportionnelle des prix, c'est-à-dire de l'inflation.
Explication, justification de cette théorie :

La masse monétaire d'un pays = la quantité de monnaie dont dispose les agents économiques non financiers d'un pays.
Si la population a plus de monnaie à sa disposition, pourquoi cela entraîne une inflation ? L’accumulation de matières premières (monnaie de l’époque) provoque une augmentation de la masse monétaire dans le pays donc les agents économiques vont vouloir l’utiliser pour acheter des biens et services. La demande augmente et devient supérieure à l’offre = les produits deviennent rares = les prix augmentent (si toutes choses égales par ailleurs).
Le risque d’inflation est lié au fait que les entreprises ne peuvent pas techniquement augmenter leur production immédiatement. L’investissement n’est pas instantané.
-> C’est pour éviter ce risque d’inflation que Colbert cherche à développer l’industrie.

Accumuler les métaux précieux en évitant l'inflation permet d'augmenter la masse d'or.

  1. Une politique susceptible susceptible de conduire à l’immobilisme

C'est là la critique libérale de base qui est de dire que le mercantilisme par son interventionnisme risque de paralyser l'initiative privée. Il y a tellement de règles à respecter lorsque l'on veut se lancer dans une activité que certains vont renoncer. Mais aussi ces réglementations, notamment au niveau industriel, réduisent la concurrence et, dans ce cas, cela peut aussi tarir les sources d'innovations techniques.
L'intervention de l'État réduit donc l'initiative privée et réduit les initiatives privées et donc conduit à un immobilisme économique.

Toutefois, il ne faut pas exagérer certains aspects du colbertisme. Pourquoi ?
  • Première chose souvent exagérée : Colbert aurait multiplié les réglementations. En fait, ce qu'il a tenté de faire c'est d'uniformiser les règles et supprimer les nombreuses règles qui existaient auparavant du fait de l'existence des corporations qui organisaient les différents corps de métiers.
  • Deuxième chose qu'il faut préciser : A cette époque, il y avait une multitude de taxes de droits à payer lorsque l'on voulait commercer au niveau de la France. Ce qu'a fait Colbert, c'est qu'il a supprimé toutes ces taxes et droits à l'intérieur du pays. Il a décloisonné, ouvert le marché national et mis en place des droits vis-à-vis des pays extérieurs.
  • Par rapport au monopole octroyé aux manufactures : certes, il a octroyé de nombreux monopoles aux manufactures créées mais ces monopoles étaient conçus pour être transitoires. Pour Colbert ces réglementations sont transitoires et la liberté du commerce doit l’emporter dans un second temps.
  • L'interventionnisme de Colbert est surtout un interventionnisme pragmatique. C'est pour répondre à la situation particulière de la France à cette époque là.
Colbert a d'ailleurs écrit « La liberté est l'âme du commerce ». Donc son interventionnisme n'est pas du tout théorisé.

SECTION II : Les premiers économistes libéraux : les PHYSIOCRATES (QUESNAY)




Que signifie « physiocratie » ? Étymologiquement, le terme « physiocratie » signifie le pouvoir de la nature (la nature est riche).

Formule utilisée par les libéraux : « il faut laisser faire, laisser passer » -&pour le gouvernement; laisser circuler les marchandises d'une région à une autre.



Ce courant se développe en France au milieu du XVIII ème siècle, dont le chef de file est François Quesnay (1694-1774). Il s’oppose aux mercantilistes, notamment à la politique de Colbert, à 3 niveaux :
  • Quesnay va expliquer que les mercantilistes ont confondu accumulation de monnaie et enrichissement. Pour les physiocrates la vraie richesse = les marchandises permettant de satisfaire les besoins de l’homme = la production et plus particulièrement la production agricole d'un pays.
  • L’interventionnisme paralyse l’activité productrice et le commerce dans le pays.
  • Les physiocrates vont être favorables au développement de l’agriculture
  1. La théorie du « produit net » révélant le rôle primordial de l’agriculture
  1. L'agriculture est la seule activité productrice

Seule la terre permet de générer de la richesse dans la mesure où elle est capable de créer plus de richesse qu'elle n'en consomme. Elle a le pouvoir de créer un surplus (ou VA) = un « produit net » = plus de valeur qu’elle n’en consomme.
Elle est productive d'une activité.
Pour comprendre cette conception, en réalité, les physiocrates assimilent la richesse à la matière. C'est l'agriculture qui permet de générer une matière supplémentaire.

Exemple : loi du blé : un agriculteur en début d’année a un stock initial de 2 graines dont une pour faire la production de l’année en cours et l’autre pour s’alimenter ; en fin d’année, il disposera d’un stock de 5 graines = 2 graines pour semer et se nourrir et 3 graines restantes qu’il va vendre. Il va utiliser les recettes d’une graine pour investir dans des équipements et les recettes des 2 autres graines = SURPLUS versé au propriétaire foncier sous la forme d’un loyer. 

 
  1. Les autres activités sont stériles
  • L’industrie et le commerce sont « stériles » pour Quesnay car ils ne créent pas de matière supplémentaire à ce qu’elles ont coûté = permettent seulement de transformer ou de transporter une matière déjà existante.
L'artisan ou commerçant ne créé pas forcément de richesse.

  • Attention : pour Quesnay, stérilité ne signifie pas inutilité = ces activités sont indispensables au développement de l’agriculture.

  • Pour Quesnay, toutes les classes sociales sont inter-dépendantes. Pour souligner cette idée, il le précise dans son tableau économique.
  1. Le libéralisme des physiocrates
  1. L’existence d’un ordre naturel voulu par DIEU

Pour Quesnay il existe un ordre naturel voulu par Dieu et cet ordre apparaîtrait spontanément dès lors que les hommes respectent la volonté divine. Cela permettrait d'apporter une harmonie de la vie économique du pays spontanée.
Le travail de l'économiste est donc alors d'identifier les règles naturelles voulues par Dieu.
L'état ne doit donc pas intervenir au risque de plusieurs dysfonctionnements.
Quesnay va proposer un circuit économique révélant cet ORDRE NATUREL car il considérait que le travail de l’économiste = informer le gouvernement et la population de cet ordre naturel.

  1. La circulation naturelle des richesses dans l'économie : le Tableau Économique de QUESNAY
1758 : publication de son œuvre de base Tableau de la circulation des richesses où il va mettre en évidence la façon dont les richesses circulent naturellement entre 3 classes sociales interdépendantes :
  • Classe productrice (agriculteurs)
  • Classe des propriétaires fonciers = aristocratie de l'époque : il ne produise rien mais se contente de dépenser les revenus reçus
  • Classe stérile (artisans, commerçants, fonctionnaires…) : ils ont pour fonction de produire des biens artisanaux (ou fonction de service pour les commerçants. Ils ne génèrent pas de richesse mais sont indispensables au fonctionnement de l'ensemble.

Il va utiliser l’exemple de la circulation sanguine pour expliquer le fonctionnement de l’économie : dans le corps humain, le sang circule d’un organe à l’autre.
Si la circulation est interrompue (intervention de l'État), l’organisme est en péril. Tous les organes sont nécessaires au bon fonctionnement du corps humain de la même façon toutes les classes sociales sont indispensables.
=> C'est la circulation des richesses entre les différents groupes sociaux qui permet d'assurer la survie de ces groupes sociaux.

C) Ce libéralisme les oppose aux mercantilistes

Ce libéralisme les oppose au mercantilisme, surtout à Colbert.
Pour les physiocrates, l’enrichissement du pays nécessite un développement de l'activité agricole. Il faut réussir à augmenter le produit net. Or, pour augmenter la production agricole, il faut moderniser l'activité pr accroître la productivité du travail. Il faut faire en sorte de produire plus avec la même unité de travail.
Moderniser nécessite d’investir dans de nouveaux équipements mais les revenus sont trop faibles à l’époque pour le permettre donc il n’est pas possible que le pays s’enrichisse. Les agriculteurs n'ont pas les moyens d'investir, de moderniser leur activité et donc de produire plus. Quesnay prétend que c’est la politique de Colbert qui a conduit au déclin du pays en baissant fortement les revenus des agriculteurs.

Les physiocrates préconisent :
  • suppression des réglementations dans le domaine agricole
  • le libre échange

CONCLUSION :

Le courant physiocrate aura un impact assez restreint sur l’économie française car :
  • Turgot essaye de l’appliquer mais reste peu de temps ministre des finances à cause de cette tentative
  • Cette école va être rapidement supplantée par les CLASSIQUES.

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